Division navale du Levant
N'ayant pu être admis à l'Ecole Navale - le Borda - à cause d'une acuité visuelle insuffisante, Georges Dufour se résout à faire des études de médecine, et intègre, au quatrième trimestre de 1877, l'école militaire de formation de Brest. Deux années plus tard, sortant major de sa promotion, il y conquiert ses galons d'Aide médecin, nomination confirmée par décret du 15 novembre 1879.
Mission en Cochinchine. (31 août 1880 au 10 janvier 1881). A la suite de l'intervention militaire de l'amiral Charles Rigault de Genouilly, l'empereur de Chine avait cédé à la France par le traité de Saïgon, le 5 juin 1862, les trois provinces de My Tho, Saïgon et Bien Hoa, ainsi que l'île de Poulo Condor sur lesquelles il exerçait sa suzeraineté ; le 15 mars 1874, la France obtenait toutes les responsabilités d'un protectorat étendu à la souveraineté de l'Annam. La conquête du Tonkin et sa pacification se déroula avec une lenteur qu'expliquent la modicité des crédits alloués par les gouvernements, autant que la résistance opiniâtre révélée par les Annamites. En Annam, l'intervention brutale du général Philippe de Courcy précipita la fuite du régent Thuyet et du jeune roi Ham Nghi, qui fut livré aux Français quelques mois plus tard. Si la résistance continua sous la direction des « lettrés », elle échoua finalement en raison de ses divisions internes, de son manque de perspectives d'avenir et de son absence de conscience nationale. Beaucoup de chefs traitèrent séparément et en octobre 1892, Joseph Gallieni pu effectuer des opérations militaires de grande envergure, « nettoyer » le territoire des bandes de pirates qui le tenaient, créer des postes reliés par des pistes, et occuper les massifs de Ke Thuong et de Yên The. En 1896, la pacification était pratiquement acquise et une renaissance commerciale s'établissait dans tous les villages. En 1897, la France avait donc au Vietnam une colonie, la Cochinchine, et deux protectorats, le Tonkin et l'Annam.
La période d'embarquement de Georges Dufour se situe en amont du principal processus militaire, dans la région de la Cochinchine. Le 31 août 1880, il est affecté sur le bateau de transport l'Annamite pour rejoindre la division navale du Levant. Ce navire, destiné au service de la Cochinchine, dont le lancement avait été effectué par les Constructions navales de Cherbourg en 1776, permettait de porter jusqu'à 1300 hommes de troupe. Georges se rend alors à Toulon et prend la mer le 17 septembre suivant. Au cours de cette mission, il découvre l'Asie et les grands ports de l'océan indien, prenant plaisir à peindre ou à dessiner les paysages, les habitats et les personnages pittoresques de ces pays.
Habitation annamite sur la rivière de Saïgon
Campagne de guerre en Tunisie. (15 février 1881 au 9 novembre 1881). Le 25 septembre 1880, Jules Ferry, conservant le portefeuille de ministre de l'Instruction publique qui lui assurera la célébrité, devient pour la première fois président du Conseil. Il prend également des responsabilité aux Affaires étrangères et à ce titre imprime une orientation décisive à la politique extérieure de la Troisième République. La France est alors douloureusement marquée par la défaite de 1870, travaillée par l'idée de la "Revanche" et le souvenir des provinces perdues. Tout en menant une politique de paix et en évitant de heurter de front l'Allemagne du nouvel empereur Guillaume Ier, Jules Ferry entend mettre un terme à cette période de recueillement et entend fixer l'objectif de redonner à la France sa place dans le concert européen. Il justifiera notamment cette ambition de renouer avec la "fierté nationale" dans les deux importants discours prononcés devant les députés, les 5 et 9 novembre 1881 en affirmant alors que la France ne peut se résigner à jouer dans le monde le rôle d'une grande Belgique : aussi doit-elle reprendre les conquêtes coloniales et se tourner vers les horizons lointains, l'Afrique ou l'Indochine.
Les incursions de tribus tunisiennes Kroumirs, qui sèment, selon les autorités coloniales, le trouble en Algérie, fournissent à Jules Ferry l'occasion de lancer une campagne sur l'est de l'Algérie. Le 15 février 1881, aux prémices de l'intervention du corps expéditionnaire, Georges Dufour est affecté au poste de médecin de la corvette cuirassée Lagalissonnière qui constitue un des fers de lance de la division navale du Levant. Le 7 avril, la division appareille de Cherbourg, fait escale à Tanger, puis à Alger avant de prendre position sur la côte est de la Tunisie. Alors que 35000 hommes traversent la frontière algéro-tunisienne, les opérations navales sont déclenchées. Georges Dufour assiste aux bombardements de la Surveillante, cuirassé à coque de fer, qui éventre le fort de Djeddid le 25 avril, fait donner ses troupes et occupe la forteresse en fin d'après-midi. Le 1er mai, les troupes coloniales débarquent à Bizerte. Quelques semaines plus tard, la division investi la rade de Sfax et soumet la ville le 15 juillet, à un bombardement sévère avec les pièces du Colbert, de la Surveillante et de la Lagalissonière. Le bey de Tunis, Sadok Bey, n'a rapidement guère de choix que de se soumettre : le 9 novembre, le Traité du Bardo instituant le protectorat français en Tunisie est ratifié.
Fort de Houm-Souk à Djerba – 1881
Le 15 novembre 1881, la campagne militaire étant terminée, Georges Dufour embarque à bord du bateau de transport la Sarthe et regagne Marseille. Il y débarque quatre jours plus tard et rejoint son port d'attache, Brest, pour y suivre une année supplémentaire de cours théoriques.
Le 3 novembre 1882, Georges Dufour est promu au grade de médecin de 2nd classe, sortant à nouveau major de sa promotion.