Le bagne de Guyane
D'abord nommées « Îles du Triangle », en raison de leur disposition géographique, par les premiers explorateurs, les îles du Salut prirent ensuite le nom sinistre d'Îles du Diable en raison des forts courants marins qui rendaient leur accès très périlleux.
Ministre de la Marine sous le règne de Louis XV, le duc de Choiseul décide d'envoyer une grande expédition en Guyane dans un but de colonisation : plus de 10.000 émigrants traversent ainsi l'Atlantique en partant des ports de Rochefort, du Havre et de Marseille ; le premier convoi quitte Rochefort en octobre 1763 et arrive à Kourou le 20 décembre. Cette tragique expédition de Kourou se solde par une lourde hécatombe : les épidémies de fièvre jaune et de paludisme dues à l'insalubrité du climat guyanais, au manque de nourriture et d'eau potable, ainsi qu'aux installations précaires et au manque d'organisation, déciment la plus grande partie des colons d'origine française. Les survivants, qui trouvent refuge sur ces îles au climat plus favorable et dépourvues de moustiques grâce aux alizés quasi-permanents, les rebaptisent alors Îles du Salut.
Si les révolutionnaires y avaient déjà envoyé quelques représentants issus de leurs rangs, comme Billaud-Varenne et Collot d'Herbois, ainsi que des prêtres réfractaires et des opposants politiques (Barbé-Marbois, Pichegru...), ces déportés n'étaient pas des criminels condamnés légalement par un tribunal, n'y étaient pas incarcérés et jouissaient d'une certaine liberté. C'est sous le Second Empire, à partir de 1854, que l'administration pénitentiaire y instaure un des bagnes les plus durs au monde, et où passeront plus de 70 000 prisonniers. Des chemins furent tracés et pavés, des constructions (hôpital, église, dortoir etc.) s'élevèrent et de nombreux arbres fruitiers furent plantés.
L'île Royale
L'île Royale accueillait l'administration pénitentiaire, ainsi que l'hôpital.
L’île Saint-Joseph servait pour les « fortes têtes » et l'île du Diable pour les espions, les détenus politiques ou de droit commun. Il s'agissait pourtant du bagne le moins dur de Guyane. Le taux de mortalité y était inférieur à ceux des bagnes établis en pleine forêt guyanaise, comme le bagne des Annamites. Mais les conditions de détention n'en étaient pas moins humiliantes avec des cellules sans toit, recouvertes d'une simple grille, comme au bagne de Saint-Joseph, par exemple, où tous les gestes des détenus étaient épiés par les gardes qui se tenaient au-dessus.
L'Ile du Diable est la plus difficile d'accès à cause des violents courants. Pendant le bagne, elle était réservée en priorité aux détenus politiques, et était reliée à l'Ile Royale par un câble métallique qui permettait à l'aide d'une benne de faire circuler les vivres et les surveillants.
Du 13 avril 1895 au 1er juillet 1899, elle fut réservée au Capitaine Alfred Dreyfus, qui y subit une captivité des plus rigoureuses (interdiction de circuler dans l'Ile, fers aux pieds la nuit, etc..) avant d'être reconnu innocent en juillet 1906.
L'Ile Saint-Joseph fut choisie pendant le bagne, comme lieu de réclusion, d'asile de fous et de cimetière des surveillants.