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Georges Dufour a vécu entre deux siècles, une époque d'expansion au cours de laquelle la France construisait, à l'égal des autres puissances européennes, un vaste empire colonial, mais aussi une époque de rivalité, d'espoir de domination, qui engendra une guerre franco-prussienne avant de nourrir la première guerre mondiale.

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Médecin issu de l'école de Santé Navale de Brest - école créée au cours du règne de Louis XIV, sous l’impulsion de Colbert en 1681 - Georges Dufour est à l'image de ces grands médecins coloniaux qui ont exercé leur métier à la limite de l'aventure humaine. Lorsqu'il rejoignait son poste aux Iles du Salut, à Nouméa, voire à Bizerte, le voyage durait alors des jours et des semaines. La terre, cette peau de chagrin, commençait tout juste de se rétrécir ; il n'y avait pas d'avion. Le séjour lointain revêtait encore un caractère d'aventure. L'exotisme n'avait pas encore cédé la place aux villes champignons, aux « grands ensembles » somptueux jusque dans le désert... mais désespérément monotones, aux produits de la civilisation avec ce qu'ils apportent de progrès réels mêlés de germes de corruption et le Docteur Dufour pouvait s'en aller voguer avec d'audacieux petits navires le long des rives de l'Amazone ou du Rio Parana, dissimulées sous une torve et inquiétante forêt de palétuviers, au milieu de miasmes malsains où somnolaient les boas camouflés parmi les branches, où gambadaient les singes qui lui faisaient la grimace au passage.

 Marin, il l'était par sa profession, un médecin de Marine étant naturellement confronté au monde maritime. Marin, Georges Dufour l'était aussi par passion. La mer, il l'avait parcourue sous tous les cieux, sous toutes les latitudes. Mais il la retrouvait au Havre, à la plage de Sainte-Adresse, au pied de la villa qu'il habitait, dominant de son studio au style mauresque, plein de souvenirs exotiques, la baie du Havre qu'André Siegfried affirmait inégalable et qui a inspiré tant de grands peintres - Claude Monet au premier chef. Grand amateur de yachting, il sillonna longtemps l'estuaire avec son ami, le Docteur Gibert, en promenade ou en régates sur son monotype Maïali dont le croissant rouge peint sur la voile et le nom à consonance arabe lui rappelaient les ciels d'Afrique dont son œil de peintre était amoureux.

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Peintre, de toute évidence, car puisque les œuvres restent lorsque le temps passe, il suffit pour s'en convaincre de les contempler. Georges Dufour exprimait sur ses toiles ses sentiments intimes, sa vision de la nature, sa force et sa beauté, sa puissance et sa lumière. Dès qu'il le pouvait, il prenait ses pinceaux. Il avait travaillé au Havre avec le professeur Lhuillier, à Bordeaux avec Auguin. Pendant son professorat à l'école de Médecine Navale de Bordeaux, il brossa pour l'École plusieurs grands panneaux décoratifs : la rade de Toulon, frégates à voile, bateaux de guerre. Au Havre, son ami Charles-Auguste Marande lui demanda de décorer l'École Coloniale où il faisait des cours d'hygiène aux jeunes élèves. Il a laissé de nombreuses toiles : aquarelles et huiles, bateaux, Étretat et ses falaises, Le Havre, Bizerte et son vieux port, et la ville arabe. Il savait étonnamment rendre l'éclatante blancheur du soleil sur une mosquée, leurs murs en chaux d'une ruelle africaine, la courbe indolente d'un palmier, mais aussi le balancement impétueux des vagues, le déferlement des rouleaux, la course d'une coque rouge ou verte, la souple hardiesse d'une voile gonflée par le vent.

Et si beaucoup de ces belles œuvres ont été détruites par les bombardements de la seconde guerre mondiale, nous vous convions à découvrir dans les pages jointes de nombreuses expressions de son talent. L'accès aux peintures ou aquarelles présentées se fait en cliquant sur un des chapitres de l'onglet "Peintures" ; lorsque les différentes œuvres apparaissent sous forme d'étiquettes, cliquez sur l'une des peintures qui apparaîtra alors en grand format. Vous pourrez visualiser un diaporama en cliquant sur la flèche de défilement située dans la partie haute de votre écran.

 « ... Nous avons ce soir un éclairage très nuancé pour le coucher du soleil qui descend imperceptiblement dans une brume rose et violacée en illuminant la mer de belles traînées d’or en fusion...».

 Soucieux de s'instruire, ouvert à la science aussi bien qu'à l'art, conscient aussi de sa mission sociale telle qu'un médecin digne de ce nom devait la comprendre, il était la représentation même de ce que l'on appelait un Esprit éclairé. Georges Dufour a promené par le vaste monde sa passion pour la mer, son attirance pour la nature, son indulgente affection pour les hommes avant de jeter l'ancre à jamais, dans le petit port d'où il s'était lancé, soixante-douze ans plus tôt, dans cette aventure mystérieuse et troublante qu'est la vie.