La Grande guerre

Le samedi premier août 1914, le tonnerre secoue l'Europe. Pendant l'heure du déjeuner, un agent de police sonne au 2 de la rue Félix Faure, et apporte à Georges Dufour un télégramme officiel qui lui enjoint de rallier immédiatement Cherbourg : l'Allemagne vient de déclarer la guerre à la Russie. Le lendemain à 8 h, les valises faites, la petite automobile familiale prend la route, alors que l'ordre de mobilisation générale s'affiche sur les murs de la ville. Georges Dufour se trouve affecté à l’Arsenal et à l’hôpital pour la médecine et la chirurgie des sous-officiers. Il y retrouve Jean-Baptiste Charcot, médecin de 1e classe, qui était alors déjà fort célèbre pour ses expéditions. Cependant, conscient de la prochaine demande de médecins sur la place du Havre, il demande et obtient rapidement sa mutation au front de mer du Havre, malgré l’opposition du directeur du service de santé de Cherbourg. Son ordre de mission en poche, il boucle à nouveau ses valises, prend la route, crève deux fois avant d’atteindre Valognes, arrive à 21 h à Quillebeuf et ... loupe le bac. Se trouvant dans l'obligation matérielle de passer la nuit sur la rive gauche de la Seine, il se réfugie dans un petit hôtel après avoir fait ouvrir le bureau de poste pour télégraphier et prévenir sa famille.

 Responsable des services de santé du front de mer, Georges Dufour prend bénévolement en charge la direction de l’hôpital 31 (Hôpital Mexico) à la demande des services régionaux de la Croix-Rouge, puis, quelques semaines plus tard, le service médical du petit hôpital Brévilliers de Sainte-Adresse. Son épouse suit une formation de soins infirmiers et assure un service d’infirmière à l’hôpital 12 qui s'est installé dans le lycée de Jeunes Filles.

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Hôpital temporaire Mexico

Le 10 avril 1915, son fils cadet Jacques, âgé de 18 ans, s’engage dans l’artillerie, suivant en cela son frère aîné, engagé volontaire lors de la déclaration de guerre et qui s'apprête à rejoindre le corps Expéditionnaire d'Orient.

Le 29 avril 1917, Georges Dufour est promu médecin chef, mais cette promotion lui fait craindre, ainsi qu'aux autorités navales du front de mer un transfert sur un autre poste, vers des responsabilités nationales et administratives. Le commandant de la Marine s'empresse d'accéder à sa demande et rédige un courrier en sa faveur :

Le Contre-amiral Didelot, commandant la Marine au Havre, Gouverneur militaire, à Monsieur le Ministre de la Marine.

Le Havre, le 2 mai 1917.

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Médecin Principal Dufour, en service au Front de Mer du Havre, vient d'être promu Médecin en Chef de 2e classe. Il se pourrait que cette promotion entraîna son déplacement. Aussi je m'empresse de vous demander le maintien dans son poste actuel de cet officier Supérieur pour les motifs ci-après :

Le Docteur Dufour donne ses soins à tous les marins présents au Havre, à quelque formation qu'ils appartiennent. Or nous y comptons actuellement un millier d'hommes. Il est également invité par Monsieur l'Administrateur de l'Inscription Maritime à assurer le service médical des navires de commerce français, toujours nombreux, et cette partie de ses fonctions est également très absorbante. Enfin, il trouve encore le moyen d'assurer, à titre bénévole, bien entendu, depuis le début des hostilités, et avec un dévouement qui ne s'est jamais démenti, la direction de l' « hôpital auxiliaire n°31 », et le comité de la Croix-Rouge du Havre ressentirait vivement la perte causée par le départ de ce praticien qui ne saurait être remplacé.    Didelot.

La demande est acceptée et le Contre-amiral Didelot obtint du ministre de la marine le maintien de Georges Dufour au poste du Havre, au grand soulagement de ce dernier.

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Georges Dufour et ses deux fils : Jacques et Jean.

Georges réussi à s’évader parfois de ces nombreuses activités et se réfugie à Etretat pour peindre. Quelques lignes, extraites du journal tenu par son épouse, décrivent ces instants privilégiés :

« ... Notre villégiature Etretataise se poursuit agréablement. Georges peint sans trêve. Il fait une étude le matin, une étude le soir. Il en a exposé quelques unes dans une librairie, quatre sont vendues. Dimanche soir, il a fait une étude sur le galet près de la porte d'aval. A la fin de l'après midi, le ciel menaçant, un orage, nous rentrons en courant. Les trois jours qui suivent, alternatives de ciel riant et de ciel sombre, mais Georges peint toujours, sous le soleil ou sous la pluie. Etretat réunit toutes les beautés. Sur les hauteurs, c'est splendide, la vue, les champs, les bois, les falaises, la mer. »

 Au cours de la guerre Georges Dufour perd sa mère, le 10 septembre 1915, son père deux années plus tard, le 6 avril 1917, mais se trouve à nouveau crucifié par le décès de son fils Jacques, le 4 septembre 1918, quelques heures après s’être couvert de gloire en pénétrant en avant-poste dans la ville de Roye, pour guider les tirs de l’artillerie. Le 14 juillet 1919, il reçoit pour son fils la croix de la Légion d’honneur et la croix de guerre avec palmes devant le monument aux morts du Havre ; le 20 octobre de la même année, il est lui-même promu officier de la Légion d’honneur.

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14 juillet 1919